A côté de la musique traditionnelle d’art et du folklore, la ville a produit à l’époque contemporaine un nouveau genre musical, tour à tour populaire, moderne et néo-populaire. L’examen de ces trois formes de la chanson citadine montre qu’elles évoluent vers une certaine convergence. Seule la chanson dite moderne essaye de conserver sa coupe strophique, sa longueur relative et ses interludes instrumentaux.
La chanson populaire citadine
Le propre d’une musique populaire est de supporter des paroles plaisantes ou bien pour accompagner la danse. C'est ce besoin que satisfait la chanson populaire citadine issue elle-même de plusieurs traditions : 'aïta, 'bidat rma, 'roubiyat, izlân, gnâwa, chants populaires judaiques,.. etc.
Bien que la séance musicale semble réglée, un grande part est laissée à l'improvisation; les stances n'étant pas liées les unes aux autres, on peut facilement insérer de nouvelles paroles, selon l'inspiration du moment, dans la trame en respectant la mélodie et le rythme de base.
Le lieu privilégié de création de la chanson populaire est encore et toujours la fête. Dans la fête privée, le public participe par la danse, la répétition des refrains, mais aussi par la suggestion. D'ailleurs la réussite du spectacle dépend de l'aptitude de chanteur à assurer cette participation et à satisfaire son auditoire.
Au cours du siècle qui s'est achevé, la chanson populaire citadine passait progressivement du particularisme régional à l'audience nationale. Les moyens de diffusion (radio-disques) contribuèrent à la célébrité des chanteurs comme Houssayn Slâwi, Zahra al Fassia, Bouchaib Bidaoui, Hamdaouia, Bouzouba’, Hamid Zahir.
Cette chanson subit aussi les changements qui s'opèrent dans la vie musicale du pays en général. Les musiciens populaires n'hésitent pas à reprendre certains thèmes musicaux de la chanson «moderne». De même après les années soixante-dix et l'avènement des groupes «néo-populaires» (genre Nass al Ghiwân) et des groupes «raï», la musique populaire citadine commence à emprunter de nouvelles voies basées sur le renforcement des sections rythmiques (batterie de jazz en plus de l'ancienne percussion) et l'emploi accru des instruments électroniques.
La chanson dite «moderne»
La chanson arabe moderne est née en Egypte à la fin du XIXe siècle. Des noms comme 'Abdou al Hamouli, Salama Hijâzi et surtout Sayyed Darwish ont contribué à établir les bases des nouvelles formes de composition dawr, nashîd, taqtoûqa, monologue, théâtre chantant, à côté du vieux mouwashshah et du traditionnel mawwâl. Le disque et plus tard la radio et le film ont contribué à la diffusion du modèle égyptien à travers les autres pays arabes. Ainsi, au Maroc, c'est vers les années trente que le grand public fait la connaissance des œuvres «classiques» égyptiennes.
L'imitation ne touchait pas seulement les modes, les rythmes et les autres éléments de la composition musicale, mais aussi l'habillement et le dialecte, tant il existait un engouement sans précédent du public marocain pour les chansons des films égyptiens.
Une première génération de musiciens a constitué des orchestres notamment à Rabat, Casablanca, Salé, Fès, Tanger. Des compositeurs, des chanteurs, des musiciens, des paroliers, tous avaient l'ambition d'asseoir les fondements d'une chanson marocaine nettement distincte de la tradition populaire. A la période d'imitation a succédé, à partir des années cinquante, une période de démarcation et de création.
Néanmoins, le véritable départ de la chanson marocaine dite «moderne» a eu lieu dans l'euphorie des premières années de l'Indépendance. Chacun y mettait du sien pour affirmer le potentiel de création artistique dans le nouveau Maroc. Deux grandes tendances se dessinent : l'une adopte l'arabe classique et la qasîda, l'autre se tourne vers le dialectal marocain. A l'intérieur même de la première tendance, on a pu faire la distinction entre d'une part le style «classique» d'Ahmed al Bidawi respectant la carrure des phrases (structure binaire), les modulations classées et conventionnelles, les rythmes anciens et d'autre part le style de jeunes talents tel Abdessalam 'Amer et Abdelwahab Doukkali qui n'hésitaient pas à heurter la syntaxe traditionnelle et laisser le texte suggérer sa propre atmosphère musicale. Il faut réserver, toujours à l'intérieur de cette tendance, une place un peu particulière au célèbre chanteur compositeur Abdelwahab Agoumi qui tenait un langage éclectique, classique par la forme, mais novateur quant aux rythmes, à l'orchestration et aux thèmes.
La seconde tendance inaugurée par le compositeur Mohamed Fouiteh, héritier de la tradition du malhoun et sensible aux rythmes marocains, a introduit dans le répertoire des chanson légères, très proches de ce que le public avait coutume d'affectionner. Cette tendance a été développée par Abdelkader Rachdi, excellent connaisseur des modes et rythmes marocains.
Le courant Nass el ghiwan
Le groupe Nass el Ghiwân s'inscrivait dans un mouvement de réaction contre la chanson moderne qui languissait dans d'interminables plaintes d'amour et ennuyait par son caractère relativement figé. Une opposition symbolique entre deux genres de chansons: l'une conventionnelle et statique, l'autre militante et prometteuse.
Avec Nass el Ghiwane, on était loin de soupçonner l’avènement d’un public avide de renouveau à l'aube des années soixante-dix, années difficiles sur le plan social et politique.
L'idée était simple : il fallait re-questionner le patrimoine pour créer des textes portant sur des questions de société. Il fallait ensuite écrire des textes «engagés» en dépassant le cadre local. Sur le plan musical, le groupe composé (au minimum) de cinq garçons s'est révélé rapidement plus efficient qu'un orchestre nombreux et - disons le passif. De même, les phrases musicales sont simples et faciles à répéter, car elles se réfèrent à des schémas connus du public.
Ils ont fait la synthèse musicale entre le style ‘arûbi de Boujmî’ et le gnâwi d’Abderrahman Kirouj (dit paco), associée à des rythmes vigoureux invitant à la transe salvatrice, imprégnés d'un souci mélodique certain. C'était suffisant pour conquérir un auditoire de plus en plus étendu, recruté surtout dans les lycées et les universités, là où précisément on considère la chanson comme véhicule de l'idéologie.
Nass el ghiwân retrouve ainsi le chemin du mysticisme tragique et révolté, il développe le souvenir et force l'inspiration à partir de la hadra et du hâl, un hâl désacralisé et porté en-dehors de la zâwiya vers la scène afin d'embrasser d'autres thèmes sociaux et politiques.
Le processus contradictoire qui à la fois intègre la musique populaire et s'en démarque a pour conséquence l'amalgame des thèmes, des combinaisons rythmiques et mélodiques, et surtout la réunion d'instruments venus de traditions différentes.
Dans un deuxième temps et sur la lancée des deux principaux groupes du courant inauguré par Nass el Ghiwan, ont proliféré des groupes similaires dans toutes les villes du Maroc. Les plus intéressants ont été Tagada, lemshaheb, 'Amrawa, Ousman, Izenzaren, Imazighen.
Le courant de Nass el Ghiwân a eu des émules dans tout le Maghreb et surtout en Tunisie où le passage des Marocains était accueilli avec enthousiasme. De même, la communauté maghrébine en Europe occidentale est subjuguée par la force du rythme et des textes chantés.
Le raï marocain
les prémisses du raï sont déjà présentes dans le folklore du Maroc oriental chez les chioukh et les ‘arfa, et dans la rythmiques des danses notamment reggada et la’lawi, le rai moderne doit beaucoup aux frères Bouchenaq, un peu plus tard, avec le foisonnement des studios d’enregistrement, le raï envahit le paysage musical même s’il n’avait pas accès à l’antenne officielle (radio et télévision publiques).
La nouvelle scène
Un événement annuel et des circonstances propices ont permis aux jeunes marocains d’imposer de nouveaux standards de musique et de chant en intégrant le mouvement du hip hop mondialisé. L’événement c’est le festival "L’boulevard" qui résista au dénigrement avant de triompher et de continuer à encourager les rappeurs, rockers et autres ; le même effort a été fait par le concours "génération mawazine".
Des artistes qui ont particulièrement réussi dans la nouvelle scène, on peut citer : Hoba Boba Spirit, Don Bigg, H-Kayne, Darga
La diaspora
De nombreux musiciens, chanteurs, et danseurs marocains vivent à l’étranger, et parmi eux il y a ceux qui reproduisent les mêmes genres traditionnels de leur origine marocaine et ceux qui s’aventurent dans des créations inspirées de leur contact avec d’autres civilisations. Les genres servis sont donc de ce fait de deux catégories : d’une part, de la musique populaire à l’adresse des fêtes et au service de la nostalgie du pays (chaabi, gnawa, aissawa….) ainsi que de la chanson orientale et du rai ; d’autre part des recherches (musique de concert, chanson médiévale, musique classique, chorégraphies modernes…). La première catégorie est intimement liée à l’espace communautaire, la deuxième est arrimée à des festivals et au monde de l’édition musicale.
La musique instrumentale
Sans la voix ou le geste dansant, la musique instrumentale pure, ne pouvait se concevoir toute seule ; elle se manifestait dans les préludes, les interludes et les séquences rythmées (tawshiya). L’influence de la musique arabe orientale s’est d’abord manifesté dans le taqsim autonome.
Peu à peu la musique a trouvé une nouvelle fonction en servant la production filmique, publicitaire et documentaire.
Ce n’est que dans les dernières décennies qu’on a pu voir émerger des concertistes de luth et notamment Said Chraibi.