Le substrat et les survivances
- Les plus anciens habitants connus du Maroc sont les "Imazighen" (ou berbères dans beaucoup d’écrits) dont on remarque trois parlers régionaux : Tamazight au centre, Tachelhit au sud et Tarifit au nord, correspondant chacune à une sensibilité propre qui se reflète dans les éléments du langage musical lui-même.
- Mais l’importance de cette composante amazighe n’est pas seulement dans ses genres connus et dans sa prédominance à l’intérieur du répertoire folklorique, mais aussi dans de nombreux éléments du langage musical (la structure modale, le phrasé, les fioritures, la rythmique,..)
- Il y a également des survivances méditerranéennes et gréco-romaine telle que cette référence supposée au culte de Dionysos (Ahidous, Harma, Boujloud), ces danses pyriques et guerrières (Taskiwine), et une musique rituelle semblable aux anciens rites de pan qui invoque donc l'énergie et la fécondité (Jahjouka).
- On peut rapprocher de la culture méditerranéenne, certaines manifestations rythmiques et certains modes anciens ; le rythme quinaire (à 5 temps), par exemple, est semblable au "péon" de la poésie grecque, les mélismes de la chanson du Moyen Atlas ressemblent étonnamment à certains chants de l’île de Crète. Le pentatonisme chleuh est de vigueur dans de nombreux pays antiques comme prémisse à la gamme complète à sept notes.
- Une grande partie des modes de la musique andalouse obéit aux mêmes bases que celles développées par la théorie hellénique et par les écrits analytiques d’Al Kindi (il y a une grande similitude par exemple entre raml el maya et le phrygien, as-sika et le dorien, hamdan et le mixolydien,….).
L’influence africaine
Cette influence se manifeste aussi bien au niveau du chant, que des danses, des rythmes et des croyances et pratiques : une tendance au chant crié, une prédominance de la percussion, le gestuel des gnawas, l’usage du grand tambour dans l’ahwash par exemple, la configuration modale et rythmique du Sahara ne sont que quelques éléments d’une influence diffuse.
Le modalisme
Hormis une conception modale complète dans la musique andalouse marocaine, dans beaucoup de cas, il y a négation de l'esprit même de gamme aux degrés fixes et scalaires. Ce qui importe ici, c'est l'air, "rîh", avec toutes ses fioritures et toute son atmosphère. En même temps, dans la musique andalouse, la notion de "tab' ", comme celle de "maqâm" oriental, renvoie à des données psychologiques et à la sociologie du spectacle associés à la dimension esthétique du "tarab" (ou plaisir et interaction par l’écoute).
Les développements modernes
Le XX° siècle a été l’occasion pour créer d’autres expressions musicales, grâce à l’ouverture médiatique d’une part et à l’urbanisation croissante d’autre part.
L’introduction du disque, de la radio et du film égyptien ont permis le développement de la chanson dite açriya.
En intégrant des studios d’enregistrement, la chanson populaire a pris des aspects éclectiques.
Des changements sociopolitiques ont favorisé l’apparition dans les années 1970 du courant néo populaire mu par la mouvance Nass el ghiwane.
Mais si la décennie quatre-vingt a été marquée par l’avènement du rai essentiellement à Oujda et Casablanca, à l’aube du troisième millénaire, la jeune génération allait opter pour ce qu’on appellera "la nouvelle scène" (rap, rock, fusion, musique électronique).
On peut également considérer comme patrimoine certaines œuvres instrumentales enregistrées ou seulement transcrites et qui sont largement méconnues du grand public.