« Ce projet est une réflexion sur le choix d’une identité personnelle chez la jeunesse marocaine ».
M’hammed Kilito est un photographe documentaire qui aime l’humain et ses quatre vérités. Dans « Portrait of a generation », l’artiste se propose de scruter les minorités à travers une jeunesse en soif de liberté. Une série de photographies qui a séduit le nouveau Musée Nationale de Photographie de Rabat.
e-taqafa : Que représente pour vous l’ouverture d’un Musée dédié à la photographie ?
M’hammed Kilito : C’est une reconnaissance de la photographie et des photographes marocains, d’avoir un lieu où exposer notre travail, où aller à la rencontre du public. Généralement, cela reste exclusif à des galeries et des festivals. C’est toujours, hélas pour une élite convertie ou que l’on essaye de convertir, alors que tout ce qu’on l’on fait, au final, c’est de pouvoir communiquer avec tout le monde, toucher un maximum de public.
e-taqafa : Qu’est ce que « Portrait of a generation » ?
M’hammed Kilito : Ce projet est une réflexion sur le choix d’une identité personnelle chez la jeunesse marocaine, basée sur une sélection de portraits de jeunes qui prennent leur destin en main. Ces personnes ont le courage de choisir leurs propres réalités, repoussant souvent les limites de la société. Que ce soit par leurs activités créatives, leur apparence ou leur sexualité, ils véhiculent l’image d’un Maroc jeune, alerte, changeant, revendiquant le droit d’être différent et célébrant la diversité.
e-taqafa : Comment est née l’idée de faire cette série de photos ?
M’hammed Kilito : Je suis tombé sur un communiqué du Conseil économique, social et environnemental d’aout 2018, qui portait sur la tranche d’âge 15-34 ans, qui a présenté des chiffres alarmants sur la jeunesse marocaine. Je me suis basé sur ce rapport pour travailler sur les jeunes, qui à travers leurs orientations sexuelles, leurs apparences, confrontent quelques normes traditionnelles et conservatrices. Ces gens ont besoin d’exprimer leur identité, d’être ce qu’ils sont aujourd’hui. Ils essaient d’engager la réflexion et le débat à travers qui ils sont.
e-taqafa : Est-ce que la photographie doit toujours partir du réel ?
M’hammed Kilito : Si j’ai décidé de faire de la photographie, c’est pour utiliser ce médium afin de raconter quelque chose. Cela aurait pu être un autre médium. C’est un travail de recherche académique. La photographie illustre ces propos. L’idée c’est d’aller sur le terrain et de vérifier la véracité de ces concepts sur lesquels j’ai envie de travailler. L’esthétique est là pour attirer l’attention des yeux mais pour moi le plus important, c’est la rencontre avec l’autre, le fond.
e-taqafa : Est-ce que c’est facile de convaincre des minorités de s’exposer ?
M’hammed Kilito : Je ne pensais pas que ces jeunes allaient accepter tout de suite. Mais si, j’ai été agréablement surpris. Ce sont des voix qui veulent être entendus, des corps qui veulent occuper l’espace. Ils veulent exister comme ils sont et non comme ils sont « supposés » être. Le rural c’est différent, c’est plus difficile. Les gens sont plus fermés, ils se dévoilent moins. Je continue le travail sur le rural, et j’aimerai faire un livre sur différents chapitres.