On connaît le parcours et les œuvres de quelques peintres illustres ayant séjourné et peint le Maroc. Delacroix, Matisse, en font partie. Maurice Arama, natif de Meknès, ancien directeur de l’école des beaux-arts de Casablanca, artiste peintre lui-même, nous fait découvrir dans ce beau livre, en fin connaisseur, d’autres artistes moins connus, moins médiatisés : près de 500 d’entre eux, issus en majorité de l’Europe, des Amériques ont été révélés et « mis à jour » par ses soins. Epris du Royaume, de ses lumières, de sa nature, de ses éclats et ses contrastes, ces peintres ont en capté les épaisseurs, les aspérités dans des toiles qui sont autant de miroirs de la condition d’un pays mouvant qu’ils pensaient statique. D’aucuns les cataloguaient dans le registre orientaliste. Ils sont toutefois autre chose de simples capteurs d’exotisme, puisqu’ils vouent au Royaume une passion et une ferveur sans limites. Parmi ces peintres on peut citer : Edmund Aubrey Hunt, Jean-François Portaels , Félix Milius, Franz Charlet etc., une pléiade de peintres issus de toutes les cultures et de toutes les géographies. (Des Allemands, Français, Espagnols, Italiens, Anglais, Vénézuéliens, Australiens…) ; ils avaient élu séjour au Nord du Maroc, notamment à Tanger et Tétouan ; certains s’étaient installés à Essaouira. Dans leur peinture on peut lire certes leur amour d’un Maroc populaire (les scènes de rue, de fantasia et les portraits des Marocains y dominent), ou celui des intérieurs des cours royales ou du pouvoir. Des fois, faute de dessiner le roi, ils captaient sur le vif le pacha de la ville comme dans le tableau la sortie du pacha de la casbah de Tanger, peint par Victor Eackourt, (1821-1879), peintre belge ayant vécu jusqu’à sa mort à Tanger. L’une des surprises de ce travail magistral et abondamment illustré, c’est aussi de nous avoir fait découvrir des peintres, aujourd’hui très connus et très côtés,qui ont vécu et peint le Maroc tels Balthus, Salvador Dali, Nicolas de Staël, Alfred Dehodencq, Benjamin Constant, Raoul Dufy et bien d’autres.
La question qui se pose aujourd’hui et que suscite en filigrane ce travail est la suivante :n’est-il pas temps d’organiser des rétrospectives pour que le public et les artistes marocains puissent regarder ces tableaux. Qui est aussi une manière de se voir dans le miroir de l’autre ?
Maurice Arama, Maroc. Le royaume des peintres
Editions :Non-Lieu. 2017. 374 pages - Grand format.