Durant le protectorat français au Maroc(1912-1956), sociologues et urbanistes ont caressé le rêve de bâtir une ville verte, espacée et structurée avec comme place forte des espaces libres et des jardins publics. Ce rêve prit corps dans les schémas directeurs d’architectes, urbanistes et paysagistes français tels que Henri Prost, Albert Laprade, Jean-Claude Nicolas Forestier et bien d’autres. Leurs travaux allaient transformer des villes en véritables laboratoires paysagers, architecturaux ou urbanistiques. Toutefois les nouveaux espaces conçus et réalisés n’allaient pas surgir dans le vide ; des cités traditionnelles ayant tous les éléments de la ville-jardin étaient déjà là. Les agdal, les Jnan, les arsa et les Riad ponctuaient la topographie des villes telles que Rabat, Marrakech, Fès, Meknès. Ces espaces paysagers ont joué un rôle conducteur et primordial dans la planification des nouvelles villes marocaines entre 1912 et 1930, une période charnière dans l’élaboration des plans directeurs d’aménagement et d’extension des principales villes marocaine. C’est ce rôle majeur que fait ressortir le livre de Mounia Bennani : « Villes-Paysages du Maroc. Rabat-Marrakech-Meknès-Fès-Casablanca », paru aux éditions la Découverte en 312 pages et rehaussé de 650 illustrations, dessins et plans.
Mounia Bennani conjugue dans son travail architecture, urbanisme, paysagisme ; ce qui confère à son expertise une portée scientifique rigoureuse. Diplômée de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, elle créé en 2006 MBpaysage. De même qu’elle milite ardemment pour la création d’espaces publics de qualité et pour l’amélioration du cadre de vie au Maroc.
Dans ce travail, elle mobilise les archives, remonte les sources et les documents pour dégager les projets aboutis ou suspendus autour de telle ville ou tel espace paysager. Ou pour déconstruire l’idéologie colonialiste ayant animé l’esprit de tel architecte ou tel urbaniste ou paysagiste. Ce travail invite le lecteur à une « prise de conscience de la valeur patrimoniale de ces espaces plantés réalisés au siècle dernier, comme faisant partie intégrante de la mémoire vivante de l’histoire des villes marocaines » souligne Mounia Bennani.