Les mamans ou les grands-mères racontent aux tout-petits des comptines ou des petits contes répétitifs, qui enseignent la langue et les coutumes par le jeu et le geste. La petite Hamama qui a trouvé une pièce de cinq dirhams dans les balayures se demande ce qu’elle va s’acheter à manger, d’où une énumération des bons plats de la cuisine marocaine. Mademoiselle Khanfoussa (Scarabée) revêt ses plus beaux vêtements pour chercher un mari : une occasion de décrire les habits de fête et les animaux familiers (chameau, coq, chien, âne et cigogne).
Les contes d’animaux enseignent les comportements en société. Sur tout le territoire marocain, Hussein le chacal élabore des ruses pour satisfaire ses propres plaisirs, quitte à nuire à ceux qui l’entourent, s’opposant au hérisson intelligent et sage ou à l’âne fidèle quoique simple et borné. Tous les types d’hommes apparaissent dans ces histoires courtes et instructives.
Certains contes attirent l’attention de l’auditeur sur des marques distinctives d’animaux ou de plantes. Ces contes étiologiques sont une première étape vers la connaissance scientifique et imprègnent la nature environnante de poésie. La cigogne au plumage blanc et aux ailes noires qui avance dans les marais en cherchant une grenouille ressemble à un étudiant de la Qaraouyine avec sa djellaba blanche et son burnous noir et blanc qui marche de long en large en récitant des sourates.
L’explication de l’origine du Sebou et de la Moulouya est une belle histoire : deux voisins, un garçon et une fille, ont passé ensemble leur petite enfance. Quand ils arrivent à l’école coranique, le père de la fille demande qu’ils soient séparés. Ils font un trou dans le mur et continuent à se donner la main en travaillant ; le père les tue. Sur leur tombe pousse un cep de vigne qui les unit ; le père fait couper les deux ceps. Un tremble et un frêne sortent des tombes et s’enlacent ; le père les fait abattre. Jaillissent alors les sources des deux fleuves qui s’éloignent l’un de l’autre.
Les contes facétieux, autour d’un personnage comme Djoha, cimentent le groupe par le rire et la plaisanterie ; ils permettent d’évacuer les angoisses et de critiquer les puissants.
Tous ces contes, courts et facilement compréhensibles, sont souvent connus de nombreux Marocains. Il s’en crée encore de nos jours, adaptés à l’actualité.
Il n’en est pas de même des grands contes merveilleux qui prennent du temps ; ils demandent nuit, silence et recueillement, et sont peuplés de personnages fantastiques qui symbolisent les angoisses et les bonheurs de l’existence. Ces contes initient aux passages difficiles de la vie, de la naissance à la mort, en passant par l’adolescence, l’apprentissage et la pratique d’un métier, les découvertes par le voyage de mondes inconnus, la nécessité d’une rupture avec la famille pour fonder un nouveau foyer. Ces passages difficiles sont symbolisés par des êtres surnaturels protecteurs ou terrifiants. Abandonnée par ses compagnes avec lesquelles elle est allée ramasser des broussailles pour cuire le pain, Haïna, emportée par un ghoul dans la montagne, est sauvée par son fiancé Ahmed ; mais lors de leur fuite, ce dernier est métamorphosé en corbeau et elle se cache en revêtant une peau de chien. Longue, longue histoire aux multiples rebondissements qui préparent l’auditeur ou l’auditrice à la vie.