SHAD 4tet

Quand le Oud est à la fois fragile et puissant

Image de couverture: 
SHAD 4tet

Contrebassiste et compositeur,Youssef Ghazzal forme SHAD 4tet, un projet musical qui crée un équilibre entre le jazz, la word musique et la musique orientale et où le Oud sublime par ses résonnances.

Rencontre

e-taqafa : Du Maroc vers la France, quel est votre parcours ? YG : Chaque été depuis ma naissance, au mois d’août, aux environs de Rabat, d’où sont originaires mes parents, se tient un grand moussem. J’ai eu la chance de le visiter avec ma famille. À chaque fois, je sentais pour cette fête d’apparence anodine une forte curiosité si bien qu’elle s’est transformée en objet d’étude ethnologique à laquelle j’ai consacré quelques années à la Faculté de Tours puis à l’École Doctorale à Paris X. Photographe puis professeur des écoles, j’ai découvert un beau jour la contrebasse et dès lors tout a basculé et cela fait environ 15 ans que je vis de la musique.

e-taqafa :Comment est né le projet SHAD 4tet ? YG : Lors des trajets estivaux entre la France et le Maroc, mes parents écoutaient du Chaabi pour faire la route, l’ambiance était festive ! Quant à nous, les enfants, sur la banquette arrière, nous étions munis de nos "Walkman" (c'était le début des années 80), c’était plutôt musiques black-américaines des années 70-80...Et bien Shad 4tet c'est un peu ça, une oreille pour chaque univers et au final l'expression d'une intention hybride entre les musiques orientales, le jazz, le rock et la pop. Le talent des musiciens avec lesquels je travaille est décisif pour la réalisation de ce projet. Il y a Thierry Di Fillipo au Oud, Rémi Savignat à la guitare électrique, Dimitri Kogane à la batterie et moi-même à la contrebasse. Ils sont talentueux et c'est un bonheur de travailler avec eux.

e-taqafa : Le Oud est omniprésent dans vos compositions, comment créez-vous cet équilibre entre les différents instruments ? YG :  L'intuition de ce précieux et fragile équilibre est venu directement du film de Jim Jarmush "Only Lovers Left Alive". Ce film a été tourné à Tanger et à Détroit et dont  la musique mêle des sons rock avec du luth baroque : étonnante musique ! À ce moment je me suis dit que c'était  possible, voire c'est opportun. Lors des répétitions nous avons mis l'accent sur le “jouer ensemble”. Peu à peu, l'écriture a pris en considération les contraintes liées à notre instrumentation pour ne jamais oublier de donner une place forte à chaque instrument et bien entendu pour le Oud, instrument si fragile mais si puissant en même temps.

e-taqafa :Qu’est- ce qui vous inspire au Maroc ? YG :  c’est  le Maroc pluriel que j'apprécie et qui m'inspire le plus. Sa diversité m'a toujours étonné et je considère ce pays comme une surprise en soi. Jeune adulte, j’appréciais voyager seul et sortir des sentiers battus, ascensions de quelques pics de l'Atlas, visites des villages berbères, plages désertes du grand sud, désert... Et il y a cette vitalité dans la rue qui représente pour moi un refuge affectif important. En Europe, du moins dans les grandes villes, je trouve que la rue est devenue petit à petit le lieu de la suspicion. La méfiance entre les gens est malheureusement observable…. J’ai cette image encore fortement ancrée qu’au Maroc il est encore coutume et possible de vivre au ralenti, dans l’observation paisible et poétique des choses.

e-taqafa :Quels sont vos projets à venir ? YG : J’ai quelque dizaine de projets différents en France mais mon grand rêve serait de venir jouer au Maroc avec Shad 4tet même si je pense que la route est sûrement encore longue. J'ai envie de partager, échanger. J'aimerais bien enseigner ma passion pour le jazz aussi, la contrebasse, imaginer des partenariats avec des écoles, des festivals et créer les conditions favorables aux échanges culturels. Actuellement nous préparons de futurs enregistrements dont un qui interroge le rythme “Chaabi” (on y revient!). Sortie prévue l’automne 2021, suivi d’un nouveau clip.