Itinéraires et sites majeurs du Maroc saharien
Un dossier proposé par Abdelaziz TOURI et Ahmed Saleh ETTAHIRI
Introduction historique: l'Islamisation du Maroc et l'unité retrouvée
Intégré à l'empire islamique et pénétré progressivement par l'Islam, le Maroc s'ouvre à partir de la fin du VIIe siècle sur de nouvelles manières de vivre et s'enrichit de nouveaux modes culturels. En 740, le pays est non seulement islamisé mais aussi bouleversé par un mouvement croissant pour l'indépendance vis-à-vis du Califat oriental. Au pays du Tafilalet, apparaît alors la principauté autonome des Banou Midrar qui fonde la ville de Sijilmassa. Carrefour de très grande importance, elle ne tarde pas d'ailleurs à se hisser au rang de capitale pour dominer pendant de longs siècles le commerce caravanier transsaharien et participer activement au renforcement des relations entre le Maroc et les pays au sud du Sahara. Les Idrissides, fondateurs de la ville de Fès, créent d'autres villes comme Al-Basra, Hajar an-Nasr, Aqlâm au Nord, Tamdoult et Noul Lamta au Sud-ouest. D'autres principautés naissent à Nekkour dans le Rif et dans les plaines de Tamesna au Centre-ouest du pays.
A partir du IV/XIe siècle, un empire s'étendant entre la rivière Sénégal au Sud et Saragosse au Nord, l'Océan atlantique à l'Ouest et Barqua à l'Est unit presque tout l'occident du bassin de la Méditerranée. Une mobilité des hommes et des biens s'installe et s'intensifie. Des familles cordouanes et ifriqiennes fuirent la fitna en Andalousie et l'anarchie à Kairouan pour s'installer à Fès, à Marrakech, à Aghmat et à Sijilmassa. Les Almoravides traversent le Sahara et posent les bases d'un Etat organisé et unifié. Leur richesse provenait du trafic caravanier qu'ils contrôlaient et de la maîtrise des routes et des itinéraires qu'ils parcouraient depuis des décennies voire des siècles. En 445-446/1053-1054 Sijilmassa est prise et les portes du Maroc septentrional sont ouvertes.
Les Almoravides s'assuraient la main mise sur les deux grandes routes du commerce saharien: celle de l'Ouest qu'ils contrôlaient déjà et celle de l'Est débouchant sur Sijilmassa. Avec Youssef Ibn Tachfin (453-501 Il 061- 1107) les Almoravides s'emparent du Maroc et d'une grande partie du Maghreb central (l'Algérie). Ils enlèvent une à une les principales cités et régions de l'époque: Taroudant, Tamdoult et le Sous; Chichaoua, Aghmat et la plaine du Tensift, Fès, Taza et le Rif, Oujda et la Moulouya. Ils poussent leurs raids au Maghreb central et prennent Tlemcen, Oran, Tenès et Alger. Aux alentours de 465-467/1072-74, ils sont solidement installés au Maroc et dans la moitié ouest de l'Algérie.
Un mouvement contestataire, celui des Almohades, réussit au milieu du XII/VIe siècle à prendre le pouvoir. Le calife Abd al-Moumen devait lutter sept années pour soumettre le Maroc et l'Algérie avant de s'étendre jusqu'en Tunisie (547/1152). Il devient maître de l'Espagne musulmane et ses successeurs, Abou Yaqoub Youssouf (560-580/1164-1184) et Abou Youssouf Yaqoub (580-597/1184-1199) s'y sont comportés en farouches défenseurs de l'Islam. La victoire qu'ils remportent en 591/1195 à Alarcos et qui valut à Abou Youssouf Yaqoub le titre prestigieux d'al-Mansour (le victorieux), "marque le point culminant de l'effort almohade pour le triomphe de l'Islam". En prenant la Tunisie qui était tombée aux mains des Normands, les Almohades en profitent pour étendre davantage leur pouvoir vers l'Est en faisant la conquête de vastes territoires aujourd'hui libyens et en entrant dans Tripoli. Ils réussissent ainsi pour la première fois à unifier l'ensemble de l'Occident islamique à l'intérieur des frontières d'un seul et même empire.
Entre 656-760/1258 et 1358, l'effort des monarques mérinides se porte vers la consolidation du pouvoir et sa légitimation à l'intérieur comme à l'extérieur. L'apogée est atteint entre 720- 760/1320 et 1358. Mais l'empire est perdu et la puissance marocaine s'est rétractée se suffisant des territoires du Maroc actuel et ses prolongements méridionaux jusqu'au fleuve Sénégal. Vers le milieu du VI/XIIIe siècle affluent vers le Maroc des vagues ininterrompues de familles juives venus d'Espagne, des Pays-Bas, de la France et d'Angleterre. Par Sijilmassa, porte du désert et entrepôt incontournable des routes transsahariennes, entrent des populations soudanaises et mésopotamiennes. Toutefois, l'arrivée des arabes maâqils vers la seconde moitié du VI/XIIIe siècle sème le désordre dans tout le Sud marocain. Vers le milieu du VIII/XIVe siècle, l'armée mérinide évacue la vallée du Sous et cède le terrain aux tribus arabes. Les routes sont coupées et le commerce de Sijilmassa avec le Soudan s'effondre. Il fallait attendre le Chérif saâdien, alMansour (986-1012/1578-1603), pour voir renaître et se renforcer les liens séculaires reliant les deux rives du désert. En 999/1590, les marocains arrivent à Tombouctou puis à Gao. «Le commerce caravanier longtemps détourné vers l'Est, retrouve le chemin des cités caravanières du Maroc». Les chameaux reprennent la route du désert, font une escale dans les salines de Tarhaza avant de se rendre à Tombouctou et à Gao où on échange les marchandises importées du Nord contre de l'or en poudre du Sud. Al-Mansour devient ad-Dahbi, le Doré. Mais la concurrence est rude. Grâce à une suprématie maritime, les nouvelles puissances portugaises et espagnoles ne tarderont pas à asseoir un réseau qui détournera une fois encore les itinéraires transsahariens millénaires vers l'océan atlantique. Certaines capitales agonisent alors que d'autres comme Goulimim, Essaouira et Iligh tentent de maintenir un échange garant de la survie et de la prospérité de toute la région.