Loubaba Laalej transgresse la peinture par la péosie. Elle provoque un dialogue sur la surface de la toile où la poésie prend forme par la couleur. Une expérience picturale où une réconciliation est née entre les deux arts.
e-taqafa : Pourquoi le choix de fusionner la poésie et la peinture ?
Loubaba Laalej : J’ai opté pour cette fusion car le dicte poétique renvoit à l’acte pictural et vice versa. Merveille des retrouvailles, le verbe se mêle à la chair de la forme comme les deux bras d’un seul corps. Une évidence. La noce est revenue. Le lien est recréé, le langage se délie en couleurs. Le poète et le peintre visitent leur riche et intense intériorité. Ils dialoguent sans cesse avec leur soi dans une passion qui oublie l’espace et le temps. Cette énergie se nourrit d’elle-même. Elle fait de l’artiste un « phénix qui renaît de ses propres cendres ». Sa joie rebondit d’une ardeur nouvelle. Son esprit s’embrase d’une expression passionnée. Dans son ardeur créative, il demande à la nuit d’engendrer le jour ! Il observe et s’observe. Son intérieur livre étape par étape. Ses impressions se découvrent tel un spectacle. Son expérience supplie l’émergence de délivrer ses bébés en friche qui ne demandent qu’à naître !
e-taqafa : Que représente la peinture pour vous ?
Loubaba Laalej: La peinture est l’univers des visionnaires. C’est une beauté vouée à la vue comme au toucher ! Elle est le possible de mes impossibles. Ses couleurs sont éblouissantes, pures et transparentes. Elles envoûtent mes sens et m’ouvrent à l’imaginaire. Sa lumière est nourrissante, son atmosphère est tendre et surprenante. C’est le miroir de mon amour pour la vie ! Ma peinture s’y rallie créant la beauté que la poésie va mettre en action ! Je découvre ce qui se cache, ce qui se voit. Je décris ce couple d’amoureux en formes et couleurs.C’est mon message.
e-taqafa : Et que représente la poésie pour vous ?
Loubaba Laalej : La poésie dialogue comme la peinture …Les mots métaphoriques des poètes m’emportent, m’enchantent et m’invitent à la mélodie. Ils sont le pourpre qui exalte ma transe. La poésie fait danser mon corps.Mon esprit s’évade dans la joie. La poésie est un élixir qui me rajeunit et qui me transporte vers l’infini.Un émerveillement de l’instant et un présent éternel. La poésie parle à la peinture qui n’a pas de mots. Elle décrit ce qu’elle a capté de cet imaginaire. Elle lit les couleurs de la toile dans une émotion intense, libre et variée.
e-taqafa : Comment choisissez-vous les couleurs et les formes pour passer de la poésie à la peinture ?
Loubaba Laalej: La poésie exalte et libère ce que la peinture voile dans l’invisible. Entre elles, les limites s’effilochent… ! La poésie n’est pas une peinture qui se ferait mots. C’est une peinture qui se fait couleurs et formes. La peinture attire un univers multiforme. Ce sont des perceptions et des sensations qui prennent le corps et l’esprit en possession. Elles m’insiprent les nuances et les reliefs pour exprimer mes états d’âme. Le texte rencontre l’image et devient érudit ! L’alchimie transmute la poésie en peinture. C’est un désir en devenir.
Parfois, les mots se heurtent aux formes abstraites qui suggèrent l’indicible !
e-taqafa : Qu'est ce qui vous motive à peindre un poème et pas un autre ?
Loubaba Laalej: Ce sont les mots du poème qui me captivent et stimulent ma créativité. Ils parlent et séduisent mon cœur. Ils s’harmonisent aux formes colorées de ma peinture. La plume et le pinceau s’accordent et se fondent pour n’être qu’une seule et même expression. Aux mêmes impressions sublimes, l’un raconte l’autre. La beauté du poème inonde le plaisir de la peinture. Elle met à mort toute forme de laideur. Son frémissement se voit et se lit. Les formes suggérées veulent rendre visible l’essence poétique.
e-taqafa : Qui sont les poètes et les artistes qui vous ont marqué ?
Loubaba Laalej: Je suis passionnée par les poètes et les artistes qui charment et transportent par leurs dires et leurs oeuvres. Un charme fou émane de cet art couplé : poésie / peinture. Ce couple d’initiés se renvoie le miroir !
Les poètes et les artistes qui m’ont marquée sont les auteurs d’une création qui chasse l’ennui et s’aventure dans l’infini : Enheduanna , Sapho Apollinaire, Prévert, Chagall, Garcia Lorca, Paul Eluard, André Breton, René Magritte, René Char, Max Ernest, Dali, Cézanne, Claude Monet, Hokusai, Shitao, Mahmoud Darwish, Nizar Kabbani, , Abdelkébir Khatibi, Khalil Jabran, Edgar Poe, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Musset, Nazik Al Malaika et j’en passe !
e-taqafa : Comment êtes-vous venue à l'écriture ?
Loubaba Laalej : Adolescente vivant à Paris, j’ai découvert le journal intime d’Anne Frank. C’était la lecture à la mode. J’ai été séduite. Un journal ! Voilà un ami auquel on pouvait se confier sans être critiquée ou trahie ! Mon propre journal a vu le jour à l’aube de mes seize ans. Ce fut le début de ma propre expression qui allait se développer au fur et à mesure par la lecture des livres de référence, toutes disciplines confondues.
e-taqafa : Comment l'émigration a marqué votre vie artistique ?
Loubaba Laalej: Qui dit émigration dit voyage. Le voyage et ses mystères. Le voyage renforce l’expérience. J’ai eu le privilège de vivre dans le cocon familial. J’ai été éduquée dans ma culture avec une grande ouverture sur le monde. Mes parents pronaient la tolérance et l’écoute réfléchie. Notre réalité fut positive et non fantasmée. Paris est une ville splendide et une plaque tournante. Un vivre ensemble. L’émigration a forgé une partie de ma personnalité. Ma quête de sens et ma propre évolution humaine. En cela, elle a influencé ma vie artistique.
Les artistes émigrés pullulent dans le monde. Un autre savoir les a enrichis. Ils ont conquis une place au soleil. Certains sont aujourdhui célèbres. Selon le critique d’art Hassan Laghdache, l’ailleurs est le cheminement de l’errance.Le départ présage du retour. C’est mourir et renaître.
e-taqafa : Que représente cette exposition à l'espace Rivages ?
Loubaba Laalej: Cette exposition à l’espace Rivages concrétise la synthèse de ma vie et ses tournants ce que m’ont apporté la France et le Maroc. Joséphine Baker qui fut une grande artiste chantait : « j’ai deux amours, mon pays et Paris. Par eux toujours, mon cœur est ravi. C’est mon rêve joli ». Je réponds : « Qu’ils durent toujours ». Cette exposition est également l’occasion tout à fait appropriée pour présenter à titre exclusif mes toiles qui illustrent mon livre « Poésie et peinture » dédié à un parterre distingué d’artistes peintres et poétes de renommée internationale, et ce, selon le choix de mon coeur.
Propos recueullis par Fatiha Amellouk pour e-taqafa