Je dois beaucoup à mon enfance marocaine

Image de couverture: 

Jean Numa Caux implique le  public dans un jeu de mouvement et de contre mouvement. Ses toiles puissantes  font surgir une  forte tension dans un équilibre fragile. Par la richesse et l’intensité des couleurs, elles   font  naître des émotions multiples et complexes. Leur profondeur est accentuée par  des arrière-plans assombris et la superposition des couches picturales. Des lignes et des bandes colorées sillonnent et structurent  la surface de la toile. L’omniprésence de la  couleur noire suggère des décors ténébreux et mystérieux qui se prêtent à des découvertes personnelles.

Dans un processus pictural, l’artiste se livre à des recherches et des expériences dans une abstraction gestuelle et lyrique. Ce qui explique la diversité des approches et des couleurs qui s’adoucissent aussi vers des compositions joyeuses.

« Chaos créatif » est le retour d’un artiste marocain à sa terre d’enfance.

 

e-taqafa : D’où vient le chaos et comment devient-il créatif ?

Jean Numa Caux : C'est du chaos que surgit la vie. Vivre c'est d'abord mourir. C'est la vie qui est créative et c’est dans ce sens que j’ai choisi ce titre pour cette exposition. Avant de peindre ces tableaux il m’a fallu oublier et détruire tout ce que j’avais appris. Oublier toutes mes connaissances accumulées.

 

e-taqafa : Vous avez commencé la  pratique de l’art après plusieurs apprentissages, comment avez-vous accumulé  vos connaissances ?

Jean Numa Caux : J'ai appris l’art hyperréaliste avec le peintre Keith Inguerman. Pendant ma jeunesse à Marrakech j’ai beaucoup fréquenté les galeries de peinture et je me suis familiarisé avec l’art de Gharbaoui et Charkaoui et bien d’autres de cette période de reconquête de l’art abstrait.

 

e-taqafa : Qui sont les artistes qui vous ont marqué ?

Jean Numa Caux : Les artistes qui m’ont marqué,  il m’a fallu les oublier, c’est avant tout le groupe AAA (américain art abstrait) qui a porté au-devant de la scène picturale l’art abstrait. Cette révolution ! Ce chaos !

 

e-taqafa : Que représente pour vous le geste créatif ?

Jean Numa Caux : Le geste créatif s’impose à moi, c’est devant la toile que je le domine petit à petit. C'est un long accouchement où il me faut revenir sans cesse avant d’être satisfait. Des toiles sont dans mon atelier depuis des années … inachevées.

 

e-taqafa : Un mouvement exacerbé jaillit des travaux, est- ce le reflet d’une tension ou s’agit- il d’une technique ?

Jean Numa Caux : Quand je travaille la tension, parfois très forte, me permet d’oublier la technique ce qui donne à mes toiles une force incontrôlée.

 

e-taqafa :   Comment se fait le choix des couleurs ?

Jean Numa Caux : Je ne choisis pas les couleurs, elles s’imposent à moi à priori, ensuite mon sens de l’esthétique prend le relai.

 

e-taqafa :     Pourquoi privilégiez-vous la couleur noire ?

Jean Numa Caux : Il ne faut pas voir dans la couleur noire le reflet de mes humeurs purement esthétiques.

 

e-taqafa :    Votre création est variée et surprenante et chaque tableau est différent, peut-on parler d’une recherche permanente ?

Jean Numa Caux : C'est vrai je suis en recherche permanente et chaque œuvre et une expérience artistique. Gerhard Richter l’un de mes maitres sait beaucoup mieux que moi se laisser aller à une peinture polymorphe. Je suis en recherche permanente, chaque tableau est une aventure où le noir qui domine me guide, d’autres fois c’est une explosion de couleurs mais je n’expose rien si je n’en suis pas satisfait.

 

e-taqafa Que représente pour vous cette exposition à l’espace Rivages ?

Jean Numa Caux : C’est une chance extraordinaire de montrer dans un endroit prestigieux au Maroc le travail d’un peintre marocain, je dois beaucoup à mon enfance marocaine et j’essaye de mettre dans mes peintures tout ce que j’ai ressenti : courir dans les ruelles de la médina, flâner sur la place Jemaa El Fna, admirer le bleu Majorelle, le rouge de l’atlas et les ocres du village de mes grand- parents maternels.

 

Propos recueillis par Fatiha Amellouk