Difficile de saisir Hicham Falah, tant il occupe avec vitalité le terrain du 7e art qu'il s'attache à rendre fertile aux quatre coins du Maroc. A la fois Délégué général du Festival International Du film Documentaire à Agadir FIDADOC et directeur artistique du Festival International du Film de Femmes de Salé, il accepte de se délier sur les jalons forts qui ponctuent sa vision d'homme de l'image.
e-taqafa : Vous êtes Délégué général du FIDADOC (Festival International de film Documentaire à Agadir) depuis quatre ans. Il est important de défendre la création documentaire au Maroc, comment parvenez-vous à rendre pérenne cet événement alors que le budget alloué aux festivals de cinéma a été réduit ?
Hicham Falah : Le FIDADOC bénéficie aujourd’hui d’une véritable reconnaissance locale, professionnelle et internationale, mais chaque nouvelle édition se présente comme une page blanche : il faut à la fois assurer le développement de la manifestation et… sa simple survie !
Le principal souci n’est pas tant que les budgets alloués aux festivals soient réduits, mais qu’ils soient répartis sans cohérence ni stratégie. Les partenaires potentiels continuent à privilégier la dimension événementielle au détriment du travail à long terme. Or sans conventions de partenariat pluriannuelles, il est impossible pour un festival de mettre en œuvre des programmes de médiation culturelle dignes de ce nom.
e-taqafa : Etes-vous encore dans l'attente de l'ouverture d'une salle de cinéma à Agadir ?
Hicham Falah : Comme beaucoup de métropoles du pays, Agadir ne possède malheureusement plus de cinéma permanent. Or l’expérience de la salle reste irremplaçable, elle crée du lien social et favorise la mixité.
Si nous voulons les faire renaître, il faut oublier les règles de l’exploitation cinématographique du siècle dernier et imaginer de nouveaux modèles qui associent la société civile et les collectivités locales, nous inspirer des expériences menées au Burkina Faso (la reconstruction du Ciné Guimbi à Bobo Dioulasso) ou en Egypte (l’ouverture de la salle d’art et d’essai Zawya au Caire).
e-taqafa : Parlez-nous de Doc Talk... Objectif, enjeux, finalité ? (D'éminents producteurs et directeurs de festivals étaient présents : Hind Saïh, productrice marocaine, Habib Attia, producteur tunisien, Juan Gonzalez, directeur de Docs Barcelona...)
Hicham Falah : Nous avons ressenti la nécessité de dresser un état des lieux de la production documentaire marocaine, largement insuffisante en termes qualitatifs et quantitatifs.
Les principaux acteurs de l’audiovisuel du pays invités à ce « Doc Talk » partagent notre constat de carences en termes de formation des producteurs, tous s’accordent aussi sur le potentiel culturel et économique d’un secteur très dynamique à travers le monde.
Avec le seul festival maghrébin de dimension internationale dédié au documentaire ; la seule chaîne de télévision nationale disposant d’une case hebdomadaire réservée aux documentaires de création ; une position géographique idéale au carrefour de l’Afrique, du monde arabe et de l’espace euro-méditerranéen, le Maroc dispose de tous les atouts pour devenir une locomotive régionale.
e-taqafa : Vous y avez inclus une dimension panafricaine. C'est important de rappeler que le Maroc s'étend aussi à l'Afrique ?
Hicham Falah : Concernant le documentaire, nos voisins subsahariens ont pris beaucoup d’avance alors qu’ils ne disposaient ni des moyens matériels ni de la tradition cinématographique du Maroc. C’est pourquoi le FIDADOC a rejoint il y a 4 ans AFRICADOC : un réseau panafricain de solidarité professionnelle, qui en 10 ans, a permis la création d’un tissu d’auteurs et de producteurs indépendants dans une quinzaine de pays d’Afrique centrale et de l’ouest.
Dans ce cadre, nous accueillons des réalisateurs maliens et sénégalais à notre résidence d’écriture et des auteurs marocains participent aux Rencontres de coproduction qui se déroulent chaque année à Saint-Louis du Sénégal. Nous espérons très bientôt pouvoir « rendre la monnaie », en lançant à notre tour une initiative destinée à favoriser les coproductions avec nos voisins maghrébins et subsahariens.
Propos recueillis par Fouzia Marouf.