Temps fort de la saison cinématographique, le 8e Festival International du Film Documentaire d'Agadir, a joué une nouvelle séquence face à un public, jeune et fidèle, du 2 au 7 mai dernier. Premier du genre au Maroc, cet événement entièrement consacré à la création documentaire a réuni la profession et la critique autour d'œuvres inspirées de la réalité.
Exclusifs au Maroc, les films concourant en compétition officielle étaient issus du Maroc, d'Algérie, du Sénégal, d'Egypte, de Turquie ou encore du Kurdistan. Témoins de leur époque, les auteurs explorent une nouvelle forme de narration sous le prisme de problématiques sociétales, ancrées dans l'humain, telle une urgence face à la nécessité de filmer, de révéler, de transmettre.
Temps fort de ce cru 2016, le poignant « Into Darkness » (coproduction belgo-marocaine) réalisé par Rachida El Garani, qui évoque le destin de Mohamed et sa famille à Taroudant. Onze des membres de cette fratrie sont aveugles et vivent aux prises avec une réelle précarité. Sans jamais se décourager, tous résistent et gardent espoir, tel Mohamed caressant l'idée de poursuivre des études...
Autre coup de cœur présenté sous la section Thématique, « La Fiancée du Nil » signé par Edouard Mills Affif. Ce troublant documentaire présenté en plein air dans les villes de la région Souss Massa face à un public féminin, particulièrement ému aux larmes, donne la parole à Heba, une future mariée, contrainte d'épouser celui qu'elle n'aime pas, sous la pression familiale. « Je suis très heureux et honoré de projeter mon film en présence d'un public issu d'Agadir, cela fait sens » a confié le réalisateur Edouard Mills Affif.
Autre pépite, « Gulistan, Terre de Roses » présenté à la salle Brahim Radi par le producteur canadien Yanick Létourneau. Ce film d'une rare force signé par Zayne Akyol, tourné au plus fort des montagnes et des plaines du Kurdistan, a mis en lumière les faits d'armes de jeunes guérilléras du PKK qui se battent contre l'Etat islamique sous un regard contemplatif : la cinéaste est parvenu à nous faire ressentir avec justesse le temps en suspend, le temps de la guerre, l'attente face au camp adverse au fil de portraits de femmes touchants, chargé d'humanité et de simplicité à travers un sujet faisant écho à l'actualité.
Belle vigueur d'un cinéma-monde
Aux commandes de cette 8e édition, la présidente Hind Saïh, n'est autre que la productrice franco-marocaine très active de Bellota Films, société de production basée à Paris. Passeur de la COP 22, qui se tiendra en novembre prochain à Marrakech, cet événement a programmé trois films liés aux problémariques environnementales. On en retient le sensoriel et rêveur, « Mere Océan » de Jan Kounen et Anne Paris : l'odyssée de deux personnages profondément liés aux animaux marins, qu'ils approchent au plus près des plus beaux et insondables océans du monde.
Autre jalon frondeur, projeté dans la section Thématique, « Tisseuse de rêves » de Ithri Irhoudane, produit par Laetitia Rodari. Situé au cœur du Moyen-Atlas, il suggère de façon poétique l'introspection de soi en interrogeant la parole de Taaborth et Rkia, deux femmes qui s'échinent à la tâche toute la journée et tissent des tapis à la manière d'antan, à la nuit tombée : la narration suit leur désir de créer une coopérative jusqu'aux portes d'Essaouira.
Plein feux sur la relève
Hicham Fallah, Délégue général du festival, a fait appel au talentueux Jean-Pierre Thorn, cinéaste militant et habité, parrain de cette 8e édition qui a animé une Master class ayant retracé les contours de son film culte sur la lutte ouvrière « Osez lutter, osez vaincre », puis « Faire kiffer les anges » inspiré de la culture hip-hop.
« Rough Stage » film de clôture de Toomas Jarvet, a révélé le danseur palestinien Maher, qui redouble de ténacité, en montant la première représentation de danse contemporaine au centre culturel de Ramallah au fil de plusieurs années. « J'ai été très heureux de vivre ce festival et d'encadrer de jeunes danseurs gadiris cette semaine » a précisé Maher Shawamreh.
Enfin, fort d'un esprit de transmission, le festival a fait la part belle à un évident espace de rencontres et de formation pensé autour de La Ruche Documentaire : assurant des ateliers sur les droits des auteurs en partenariat avec la SCAM (La Société Civile des Auteurs Multimédias) destinées aux cinéastes marocains en devenir, réunis au rythme de « Work in progress » correspondant à l'étude de cas d'un film à l'étape de sa post-production. Le 8e Fidadoc, a été un formidable vecteur de rayonnement culturel, pour la jeunesse et la région Souss Massa sous le triomphe de la création documentaire.