Des fondements musicaux de la chanson de Nass el Ghiwane

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  Pour les chants et musiques confrériques des Gnaoua11 et des Hmadcha12, ce sont des musiques et des chants de transe. Incantatoires, ils ont une structure peu riche en variations mélodiques, et leur caractère répétitif n’a pour but que la transe et l’extase. La musique fait partie d’un rituel structuré où se mêlent récitatif, cantique, musique et transe/ jedba. Cette forme musicale, alliée à des textes profanes écrits par le groupe ou inspirés de la tradition populaire, convient parfaitement à ses visées protestataires et permet au Ghiwane de retrouver le chemin du mysticisme tragique et révolté, développe le souvenir et force l’inspiration à partir de la hadra et du hal, un hal désacralisé et porté en-dehors de la zawiya vers la scène afin d’embrasser d’autres thèmes sociaux et politiques, comme le souligne Ahmed Aydoun13.

Cette tendance est forte, particulièrement dans des chansons comme Nerjak Ana14, Lebtana15, Taghounja16, El Me3na17, Essedma18, Leghrib19 et dernièrement, avec une empreinte mélodique et vocale très présente de Nerjak Ana dans la chanson ‘ssemt20 du dernier album Chama l’abeille. Ces chansons sont fortement marquées par la présence scénique et vocale de Paco ainsi que par la prédominance du hejhouj.

  L’autre registre musical auquel se réfère le Ghiwane est le Melhoun. Chant à la fois profane et religieux, populaire et raffiné où la satire et l’ironie côtoient la Cortézia dans toute sa splendeur, il est l’expression des corporations d’artisans, des petits commerçants, des lettrés et même des Sultans. Il est considéré comme la forme poétique et musicale la plus brillante et la plus florissante du génie marocain. Né il y a cinq siècles, le Melhoun a d’abord fait son apparition dans le sud du Maroc, pour se propager progressivement à Marrakech, Fès, Meknès, Salé, Rachidia et Taroudant21. Le Ghiwane a fait des reprises comme dans Mzzin Mdihek (Louange au prophète), Hen w-chfeq (Prends-nous en pitié) ou encore la dernière chanson en date Nehla chama (Chama l’abeille).


11 Descendants d’esclaves originaires principalement de l’actuel Ghana, mais également du Sénégal et du Soudan. Ils se sont constitués en confréries tant au Maroc que dans le reste du Maghreb. Leur cérémonial musical et chansonnier est basé sur le rituel de la possession où est pratiquée la transe.
12 Confrérie fondée au Maroc au début du XVIIème siècle.
13 Musiques du Maroc, EDDIF, Casablanca, 1992.
14 Frères humains.
15 L’inéquité.
16 Justice captive.
17 Assez.
18 Le choc.
19 L’étranger.
20 Le silence.
21 F. Gessous, Anthologie de la poésie du Melhoun Marocain, édition réalisée à l’occasion du 1200ème anniversaire de la ville de Fès, F. Guessous, 2008.

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