Patelin du Haut Atlas, situé à une centaine de kilomètres de Marrakech, Tinmel est la première capitale de la dynastie almohade. Cette bourgade avait servi de lieu de refuge au théologien Mohamed Ibn Toumert, connu pour son zèle religieux et ses actions réformatrices menées contre les Almoravides, et d’agora où la première communauté almohade se préparait et se rassemblait pour éradiquer la ‘débauche’ des Almoravides.
En 1153, ce lieu séculaire abritant l’archétype de l’architecture almohade – la mosquée de Tinmel – s’est vu doté d’une mosquée à la mémoire du premier Imam des Almohades, Mohammed Ibn Toumert, dont le lancement des travaux de construction fut ordonné par son disciple Abd al- Moumen Ibn Ali. Ce dernier est le premier monarque almohade à avoir porté le titre de ‘Commandeur des Croyants’, alors que celui-ci n’était réservé qu’au pouvoir califal de Bagdad. Après le décès de Ibn Toumert en 1130, et lors de son retour d’une campagne en 1153, Abd al- Moumen Ibn Ali a dépêché son armée pour édifier la mosquée de Tinmel et agrandir le village.
La date de construction de la mosquée remonte en effet à 1153. Certains historiens et historiographes n’ont pas été unanimes à considérer cette datation, car estimant qu’elle est tirée du passage d’un ouvrage qui contient quelques approximations historiques, en l’occurrence Rawd al- Qirtas, un livre traitant de quatre dynasties, à savoir les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les érinides. D’aucuns justifient leurs soupçons par la ressemblance planimétrique qui existe entre la mosquée de Tinmel et la première Koutoubia, dont la construction a été décidée au tournant de l’année 1147 JC.
La mosquée témoigne des premiers pas architecturaux d’une dynastie qui a changé le centre de gravité d’un pouvoir (almoravide) reconnaissant seule la prééminence religieuse du calife de Bagdad. Les arcs en plein cintre coiffent les nefs de cette mosquée historique, et les intrados de la coupole de son mihrab jonchés d’arcs recti-curvilignes, rappellent une ère contemporaine de l’innovation architecturale almohade, qui puise son inspiration dans l’art andalous. La coupolette du mihrab est en stuc orné de formes géométriques et d’un écoinçon à arcs polylobés. L’architecture et l’ornement de ce lieu saint est dénué de codes épigraphiques, si ce n’est que quelques marques en retrait.
Tombée dans l’oubli
L’époque almohade constitue un pan important dans l’Histoire du Maroc. Les monarques almohades ont su vaillamment faire plier l’occident musulman et le réunir autour d’un seul et unique empire dont le centre fut le Maroc et l’Atlas. A propos, les Almohades ont mené une bataille triomphale ‘Batailles d’Alarcos’ (1195), remportée contre l’armée castillane ‘Alphonse VIII’ par les contingents du souverain Abou Youssef Ya’coub. Au-delà de l’Espagne musulmane, les souverains almohades ont poursuivi leurs actions et se sont étendus en Ifriqiya. Cette époque a vu également éclore une nouvelle génération de philosophes, de penseurs, de médecins et de géographes à l’instar de Averroès, Ibn Maïmoun, Ibn Rochd, Ibn Tofaïl, Idrissi etc.
Cependant, la forteresse de Tinmel est tombée dans l’oubli des années durant, au grand dam de son historicité et du rôle religieux et militaire qu’elle avait joué. Près de six siècles plus tard, la mosquée n’a aucunement fait l’objet de textes descriptifs. Les premières données descriptives sur la mosquée ont été produites par un certain Abdallah Ibn Ibrahim Tassafti, qui n’est autre que le marabout du sanctuaire Tassaft, situé à moins de 10 kilomètres au sud-est de Tinmel.
La mosquée fut réhabilitée en 1991 et 1994, et depuis, elle est restée à l’abandon. Actuellement, des travaux de rénovation supervisés conjointement par le ministère des Habous et des Affaires islamiques et le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication.