Il vient de rafler le Prix de l’interprétation masculine pour Jbel Moussa de Driss Mrini au dernier Festival National du Film de Tanger alors qu’il est à l’affiche de « Achoura » de Talal Selhami. Un acteur viscéral qui aime prendre des risques.
Rencontre.
e-taqafa : A la lecture du scénario de Talal Selhami, avez-vous dit oui tout de suite ?
Younès Bouab : Talal Selhami m’a proposé le rôle qu’il avait d’abord proposé à mon frère, Assaad, qui était déjà engagé sur un autre contrat. J’ai tout de suite été séduit par le projet en lisant le scénario mais surtout en consultant le dossier de présentation du film, avec la conception des décors, du monstre et l’univers visuel du long métrage. Achoura est un film ambitieux et on sentait déjà cette force dans le scénario et les choix que Talal faisait en termes de conception générale.
e-taqafa : Qu'est-ce qui vous a le plus touché dans le rôle de Ali ?
Younès Bouab : Tout est touchant et bien écrit dans ce personnage. Ali est un grand sensible qui se cache derrière une carapace de flic taiseux. Son rapport à son frère disparu qu’il retrouve après 25 ans est pour moi le cœur du personnage. Et c’était la source de la plus forte émotion pour lui, avant le choix douloureux qu’il a à faire à la fin. Il y a aussi le fait qu’il ait quitté sa femme, qu’il aime toujours, qui est touchant chez lui. Et son rapport à son fils, enfin, avec lequel il n’arrive pas à être tendre.
e-taqafa : Comment se sentez-vous dans le tournage du premier film fantastique marocain ?
Younès Bouab : Talal est un amoureux du cinéma de genre et on sentait très fortement cette passion pendant le tournage de Achoura, son énergie, sa joie de donner vie à cet univers. Donc en tant qu’acteur, j’étais emporté par cette ambition. Le tournage était aussi très agréable parce que les décors étaient vraiment dingues ! Bien préparés, bien conçus, il y avait tout de suite une atmosphère fantastique. C’est rare dans notre modeste industrie nationale de voir ça, et en ce sens, Achoura ouvre une brèche.
e-taqafa : Quelles sont les scènes qui ont été les plus difficiles à jouer ?
Younès Bouab : Les scènes d’émotions demandent toujours une bonne concentration et de l’endurance, mais elles étaient plutôt faciles à jouer car Talal est un bon directeur d’acteur. Il te pousse avec les mots justes, il ne laisse pas retomber l’énergie entre les prises et permet aux acteurs de garder leur dynamique émotionnelle. Je me souviens cependant d’une scène de dialogue toute simple autour d’une table qui était très difficile à faire, car il fallait déplacer tout le décor à chaque fois pour nous filmer. On se retrouve à jouer des bouts de dialogue, sans le regard de l’autre acteur, sans décor… c’est très dur quand la technique prend toute la place.
e-taqafa : Est-ce qu'à la lecture du scénario, on sent le potentiel d'un rôle ?
Younès Bouab : Driss Mrini m’avait proposé un téléfilm que j’avais beaucoup aimé à la lecture mais que je n’ai pas pu faire, et quand j’ai lu Jbal Moussa, j’ai retrouvé la même qualité dans l’écriture. Le scénario était rythmé, les personnages bien écrits, avec une belle progression dramatique. Le scénario était étonnant aussi par son côté philosophique. On lit rarement des scénarios avec des scènes où les personnages parlent de Dionysos, de Nietzsche, de croyance en dieu et d’amour Soufi. Donc oui, à la lecture du scénario on sent le potentiel du film. Après, un bon scénario ne donne pas forcément un bon film, mais c’est une bonne base de travail.
e-taqafa : Comment l'avez-vous préparé ?
Younès Bouab : Jbal Moussa est un film de dialogue, donc j’ai beaucoup travaillé mes dialogues, essayé de les apprivoiser, de les connaître sur le bout des doigts pour pouvoir improviser si besoin pendant le tournage. J’ai aussi travaillé sur la progression du personnage. Sans vouloir dévoiler l’histoire, Hakim évolue beaucoup et il fallait rendre crédible cette progression. Ensuite, c’est l’alchimie avec Abdenbi el Benniwi qui a été l’essentiel de la dynamique. Quand ça arrive, on a de la chance en tant qu’acteur et du coup on joue ensemble, on ne réfléchit plus, les prises deviennent vivantes.
e-taqafa : Avec l'expérience, vous vous sentez plus en confiance sur un plateau ou est-ce toujours un challenge ?
Younès Bouab : C’est toujours un challenge, parce que ce qu’on gagne en technique et en assurance ne sert à pas grand-chose au final. Il faut toujours arriver vierge de certitude et de technique sur un plateau. Essayer à chaque fois non pas de construire ou de composer quelque chose mais d’enlever notre masque et de vivre des émotions, accepter de ne plus contrôler les choses, et surtout, accepter que la caméra saisisse ce qui nous échappe, ce qu’on cache.
e-taqafa : Quel rôle rêvez-vous de jouer ?
Younès Bouab : Je ne rêve pas de rôle en particulier mais de types de films. Mon côté enfantin rêve de films d’aventure et d’action, de films de genre. Je rêve que des films puissent lier exigence cinématographique et succès public. Et je rêve aussi de faire des films plus originaux, plus intimistes, plus difficile d’accès, qui sortent des sentiers battus, mais qui nous étonnent, nous disent quelque chose de nouveau, et qui renouvellent le cinéma.