Les contes merveilleux sont toujours peuplés d’êtres fantastiques qui sont des images concrètes permettant de nommer les peurs ou les angoisses.
Les djnouns sont les esprits qui peuplent des lieux particuliers ; ils jouent des tours aux humains, les aident parfois. Ils hantent les ruines et les hammams. Dans toute nouvelle maison, des rituels permettaient d’apprivoiser le génie du lieu et de s’en faire un ami. Dans le Haut-Atlas, Sidi Chamarouch est appelé le roi des Djnouns. Ses sanctuaires sont situés près des couloirs d’avalanches ou de chutes de pierres, avertissant ainsi les passants du danger possible.
Les afrits sont des démons qui obéissent aux propriétaires de l’anneau de la sagesse. Il suffit de tourner ou de frotter le chaton de celui-ci pour voir apparaître le serviteur de l’anneau qui s’écrie trois fois : « Amar, ya sidi ! Commande, ô maître, et je t’obéirai ! » L’anneau de Salomon était le plus puissant de tous. L’afrit de l’anneau de Moulay Ismaïl construisit en quelques nuits les murailles de Meknès.
Les ghouls et ghoulas sont les ogres dont on menace les enfants qui ne sont pas sages. Ils sont monstrueux, velus, armés de dents et de griffes énormes ; ils mangent la chair humaine. Ils habitent la forêt sauvage ou le désert. La ghoula a de longues mamelles qu’elle rejette par-dessus ses épaules et croise dans son dos. Si le héros arrive à la téter, il se met sous sa protection et elle l’aide à surpasser ses épreuves. Image sublimée du père et de la mère, les ghouls indiquent à l’adolescent le chemin à suivre pour acquérir son indépendance et ne pas vivre aux crochets de ses parents.
Les chitanes sont des anges déchus, compagnons de Satan. Ils sont méchants par nature, et font des crocs-en-jambe aux passants pour les faire tomber, urinent dans la bouche de ceux qui ne mettent pas la main devant la bouche en baillant, mangent le repas de celui qui n’a pas dit Bismillah avant de manger, envoient des cauchemars pendant la nuit.
N’oublions pas celle qui est crainte de tout le monde, Aïcha Qandicha, la belle femme aux pieds de chèvre ou d’ânesse, la séductrice de jeunes gens qu’elle entraîne dans la mort ou la folie ; elle met en garde contre l’attrait du suicide chez les adolescents. À Djorf Lasfar, elle habite une grotte dans la falaise et entraîne dans la mer les imprudents qui se sont aventurés jusqu’à sa demeure. Les femmes viennent lui apporter des chiffons pour protéger leur famille, obtenir une guérison ou un enfant. Cette grotte, qui correspond par un souterrain à la terre ferme, a été fouillée par des archéologues qui ont découvert qu’elle était déjà habitée au temps de la préhistoire. Aïcha Qandicha représente les dangers de la nature non maîtrisée.