Crédit photo: Romain Rosa
Franco- marocain, l’acteur Syan Luka est passionné et téméraire. Celui qui avait séduit dans la série Guyane de Canal Plus, jongle entre les planches et le grand écran avant de s’essayer à une série HBO, après une expérience en tant que membre du jury au Festival du Court et du Documentaire du 22 au 26 janvier dernier à Casablanca. Une étoile montante, née à Zagora.
e-taqafa : Quels sont vos premiers souvenirs de cinéma?
Syan Luka : Je venais de quitter le Sahara et d’arriver en France. Je ne parlais pas encore le français. Il y avait une collection de cassettes VHS dans la maison où je vivais. Cela a été mon premier contact avec l’image. J’étais littéralement hypnotisé. Comme j’étais limité par la langue, j’étais alerte et réceptif à tout ce que les films offraient, au-delà, des mots: ce que la mise en scène laissait deviner, ce que la musique racontait…
e-taqafa : Un film en particulier ?
Syan Luka : Je me souviens de « Robin des Bois » de Kevin Costner. J’étais happé par le personnage de Azeem, interprété par Morgan Freeman, un berbère qui faisait office de compagnon d’armes de Robin des Bois. En fait, Azeem ressemblait aux gens de mon village, à Zagora. Il portait un chèche, un burnous, il avait un grand sabre et des objets mystiques. Il avait un peu le visage de mon grand-père, c’était lui mon héros du film ! Morgan Freeman en berbère. C’est fou, non ?
e-taqafa : Quand est-ce qu’est née votre passion pour le cinéma ?
Syan Luka : J’ai appris à parler français en mémorisant des répliques de Walt Disney. Je pouvais couper le son et citer en français toutes les répliques. Plus tard ce sont Hayao Miyazaki, Charlie Chaplin, Fellini, Coppola qui m'ont fait rêver. Ils ont nourri mon imaginaire, ma vision du monde, et ont fait naître ma passion.
e-taqafa : A quel moment êtes vous devenu acteur ?
Syan Luka : Je suis arrivée en France quand j’avais 4 ans, à cause d’un problème de santé. Je déménageais souvent, de famille d’accueil en famille d’accueil. J’ai commencé à travailler à partir de 15 ans. J’avais envie de conquérir le monde ! Quand m’a vie s’est stabilisée, je me suis inscrit à Paris aux auditions d’un professeur réputé. Il avait découvert Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, Fabrice Lucchini, Daniel Auteuil… Je me suis dit que ce serait le Mektoub ! Si lui acceptait de me former, c’est que j’aurais quelque chose à faire dans ce métier. J’ai suivi pendant 2 ans ses cours d’Art Dramatique.
e-taqafa : Comment avez vous atterri dans la série Guyane ?
Syan Luka : Un metteur en scène m’a recommandé au directeur de casting. Je savais juste que c’était un projet sur lequel le réalisateur Kim Chapiron avait travaillé. On m’a présenté le rôle. J’ai passé plusieurs mois de casting en français d’abord, puis en brésilien. C’était un rôle important pour Canal + et je crois qu’ils voulaient vraiment me tester sur la durée. Il y a une énergie permanente en Guyane. Tout y est vibrant, la forêt amazonienne, les animaux, l’immensité de la nature. Il y une certaine ivresse à se sentir perdu dans la plus grande forêt du monde.
e-taqafa : Comment préparez-vous un personnage ?
Syan Luka : J’approche tous les rôles différemment. Après le travail de recherche et d’échange avec le réalisateur, j’ai besoin de temps pour développer le côté sensoriel de mes personnages. J’ai besoin de ressentir et de m’imprégner du rôle. Il faut que je trouve le souffle de mon personnage, une fois cette étape passée, je considère que je suis prêt et disponible pour être dirigé par le réalisateur.
e-taqafa : Vous faites du théâtre, comme de la télévision ou du cinéma…
Syan Luka : Récemment, j’interprétais la pièce « J’appelle mes frères » de Jonas Hassen Khemiri (Obie Award Winner) qui raconte l’angoisse d’un jeune issu de l’immigration, au lendemain d’un attentat terroriste. Paris a été lourdement frappé par les attentats et je savais que le sujet résonnerait profondément. Il y a eu des interactions très fortes avec le public durant les représentations… J’ai eu la sensation d’une profonde communion de sentiments.
e-taqafa : En quoi est-ce différent ou similaire, dans le travail ou l'intensité?
Syan Luka : Techniquement, le théâtre est immensément exigeant sur de très nombreux aspects. A la télévision et au cinéma, on est dépendant des formats d’une industrie. Il faut adapter son jeu aux règles de la caméra. Le rapport au temps est très différent de celui du théâtre. J’avais été très surpris sur mon premier tournage quand on m’a fait tourner la scène de fin, avant la scène d’ouverture du film !
e-taqafa : Qui sont vos modèles dans le cinéma ?
Syan Luka: Anthony Hopkins, Denzel Washington, Niels Arestrup…
e-taqafa : Quel est votre actualité ?
Syan Luka : Je viens de finir de tourner un long-métrage avec Aline Bendahar. Je tourne une série française à l’automne. Je vais être à Casablanca le mois prochain en tant que Jury du Festival du Film et du documentaire de Casablanca. Et, j’ai aussi un livre qui est en cours d’écriture.