Regard droit, large sourire, visage entouré par un voile pastel, Nadia El Bouga, n'en finit pas de faire parler d'elle et de faire parler tout court. Sage-femme depuis plusieurs années en province puis en région parisienne, elle milite farouchement pour le respect et l'égalité de la femme en terre d'islam ainsi qu'au-delà. Un combat inattendu, qui sort totalement des sentiers battus, axé sur le désir, le plaisir féminin : Nadia El Bouga, est de plus, sexologue.
Sa chronique hebdomadaire diffusée depuis trois ans sur Beur FM, est consacrée aux contours, aux interrogations, aux tabous sexuels. « J'étais simplement invitée par l'animateur radio de ce rendez-vous dédié à la santé. Par la suite, il m'a demandé de tenir une chronique qui aborderait les thématiques en lien avec la sexualité tant les auditeurs ont redoublé d'appels le jour de ma première intervention à l'antenne », souligne-t-elle à e-taqafa. Dotée d'une voix posée, apaisante, traversée de douceur, Nadia El Bouga, ne recule devant aucune question, bravant les réactions des plus véhéments et des farouches conservateurs : « ce sont souvent des hommes, peu accoutumés à entendre un tel discours. Les femmes, au contraire, considèrent ma chronique comme libératrice. Elles ont enfin, un espace d'expression et quelqu'un pour leur répondre ».
De Paris à l'Atlas
La sage-femme et sexologue au succès certain, vient de publier « La Sexualité dévoilée » (éd. Grasset), un ouvrage co-écrit avec Victoria Gairin, journaliste au Point. Ce récit intime, revient sur les traces de son enfance passée à Paris et au Maroc, durant ses vacances au cœur de l'Atlas, un lien fort qu'elle entretient avec la terre natale des ses parents. Et dévoile sa vocation de médecin, jamais démentie depuis sa prime enfance. On y apprend notamment, que la praticienne, s'inspire de ses consultations au sein de son cabinet de sexologue, pour alimenter certaines de ses chroniques radio. « C’est une bulle apaisante, loin de l'agitation ambiante. Les patients doivent s'y sentir en paix. J'y tiens particulièrement », confie-t-elle. Le lieu abrite les confessions, les fantasmes, d'hommes et de femmes, de tous âges, de différentes cultures, de multiples confessions. « (...) Toujours est-il que Yamina et Mouhcine, cinquante-huit et soixante-deux ans, trente-cinq ans de mariage et quatre beaux enfants majeurs et vaccinés ont réussi. Me voilà émue aux larmes », écrit-elle dans « La Sexualité dévoilée ».
Profondément marquée par le soufisme, adepte de la pensée d'Asma Lamrabet, au fil de ce roman, El Bouga, tord le cou aux préjugés en déconstruisant « les interprétations fondamentalistes du Coran qui profitent aux hommes » et le wahhabisme qui écrase la femme et nie ses droits. Tournée vers l'avenir, Nadia, envisage d'écrire une thèse à quatre mains avec son époux, théologien, à propos de la religion et de la sexualité en s'appuyant sur « les dimensions de l'anthropologie et la sociologie dans le but de les penser selon les préceptes de l'éducation à la sexualité propre à la culture arabe ».
Marwane Tahar