Située dans l’Anti-Atlas marocain, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Taroudant, la montagne d’Igîlîz est connue pour avoir abrité le lieu de naissance d’Ibn Tûmart.
Célèbre juriste et théologien amazigh du début des années 1120, ce dernier va initier chez les tribus des grands massifs montagneux de l’Anti-Atlas et du Haut-Atlas, un mouvement de réforme religieuse radicale : l’Almohadisme.
L’histoire nous enseigne qu’Ibn Tûmart, de 1120 à 1124, a rassemblé autour de lui les tribus environnantes lors de ses premiers prêches. Pendant cette période, le révolutionnaire gagne ses premières confrontations contre les Almoravides. Peu de temps après, il décide d’installer son quartier général à Tinmel, à une centaine de kilomètres de Marrakech pour continuer la lutte.
Beaucoup d’historiens pensent que l’origine des Almohades se trouve à Tinmel. Mais le fondateur de cette dynastie est né à Igîlîz et s’y est réfugié quand les Almoravides l’ont chassé lors de sa révolte.
Les archéologues se sont intéressés au site dès les années 20, ils connaissaient son existence d’après les textes médiévaux, mais n’arrivaient pas à le trouver. Longtemps délaissé par la recherche contemporaine et considéré comme introuvable, il fut finalement découvert en 2004 par la mission franco-marocaine d’archéologie dirigée par l’Université d’El Jadida, l’Université Paris-Sorbonne et l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP).
Les ruines archéologiques ont permis de déduire que la montagne d’Igîlîz était une forteresse médiévale dans une région enclavée, avec une vue sur les vallées et les montagnes.
Les fouilles, tant en termes de stratigraphie, de céramologie que de datations au radiocarbone, ont permis de confirmer que l’occupation principale de la montagne remonte au 12ème siècle. Elles ont aussi permis de mettre à jour des éléments de la culture matérielle de la région et des modes de vie d’une population montagnarde soucieuse de préserver ses ressources naturelles et son autonomie.
Cette ancienne forteresse médiévale a aussi révélé une grande partie des pièces céramiques laissées sur place par les anciens occupants. Ce qui a permis de comprendre et de documenter des pratiques religieuses et rituelles jusqu’alors très peu connues, et de mesurer les modalités d’islamisation d’une société tribale qui refusait toute autorité émanant d’un pouvoir central Almoravide.
Le site constitue par conséquent un précieux objet de réflexion sur la manière dont l’Etat vient à la tribu, question traitée par le grand historien maghrébin Ibn Khaldûn à la fin du 14ème siècle.
Ainsi, durant les premières décennies du 12ème siècle, la forteresse du sommet de la montagne d’Igîlîz accueillait une communauté de religieux, dont l’irrésistible expansion militaire devait aboutir un quart de siècle plus tard, à l’avènement de l’Empire Almohade.