Le Ghiwanisme, Naissance d’un courant musical marocain contemporain

Nass el Ghiwane un groupe précurseur

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À sa création (1970-1971), Nass el Ghiwane comptait cinq auteurs compositeurs et interprètes : Omar, Laârbi, Mahmoud Saadi, Aziz Tahiri[4] et Boujmâa, ce dernier avec Laârbi sont considérés comme les fondateurs du groupe. Pour beaucoup, Boujemâa a été le personnage emblématique du groupe. Sa mort subite, n’a fait qu’augmenter l’aura du personnage au point d’être considéré comme un «mythe».

Omar Essayed, Laârbi Batma, Yaala Allal et Abderrahman Kirouch dit Paco sont tous issus d’un milieu modeste. Ils n’ont pas connu les bancs des lycées et encore moins ceux des universités. Jeunes, les petits métiers et l’apprentissage artisanal étaient leurs occupations. Leur formation n’est donc pas institutionnelle. C’est grâce aux lectures personnelles, à l’expérience artistique, principalement théâtrale, que Nass el Ghiwane imprime un ton original à son expression musicale.

Ses maîtres à penser ne sont pas les grands philosophes arabes ou européens, mais les poètes et moralistes populaires tels Sidi Abderrahman el Mejdoub (1504-1565) et Sidi Kadour el Alami (1742-1850) entre autres. Cet élément discrédite toute tentative de récupération politique de la voie artistique choisie par le groupe. Celui-ci se défend de militer dans une quelconque optique partisane. Sa visée n’est autre que d’officialiser les expressions musicales et poétiques régionales marocaines en les portant sur les scènes les plus prestigieuses du Maghreb, d’Europe et d’Amérique. 

S’il est un autre élément qui a contribué au succès de la chanson ghiwaniène, c’est l’origine des membres du groupe. Omar Essayed est originaire du Souss, Laarbi Batma natif de Oulad Bouziri (région de Settat), Yaala Allal descend d’un père musicien originaire de Taroudant qui dirigeait une troupe de Houara.  Enfin, Abderrahman, dit Paco, est originaire d’Essaouira ; n’oublions pas My Abdelaaziz Tahiri, fondateur du groupe, qui est originaire de Marrakech, férue de poésie Melhoun, auquel on doit des succès  comme El Madi Fat. Chacune de ces origines correspond à une région qui possède ses propres musiques et ses propres chants populaires. Aussi, le schéma du groupe et le mode d’expression qu’il a choisi permettaient-ils à chacun des chanteurs de participer par son régionalisme  à la création du chant ghiwanien, lequel mettait en évidence les subtilités et la richesse de l’expression poétique et musicale populaire marocaine.

La conjugaison de ces diverses expressions a fait du Ghiwane, à la différence des autres groupes, un symbole pour la jeunesse marocaine qui retrouvait sa marocanité pleine et entière dans les rythmes, les mélodies et la poésie des chants venus du Sous, du Sahara, du Moyen Atlas, des plaines côtières, sans oublier quelques furtives références aux chants du nord du Maroc. Ce sont là les éléments qui, à notre avis, fondent ce que nous appelons le Giwanisme.


[4] Aziz Tahiri  et Mahmoud Saadi ont rejoint le groupe Jil Jillala créé peu après le Ghiwane. Le premier a été remplacé par  Paco, membre de Jil Jilala à ses débuts, le second par Allal (snitra).

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