Avishay Benazra est un comédien inspiré qui se raconte en toute simplicité dans un café du centre parisien où rendez-vous a été fixé. Originaire du Maroc, il tient le haut de l'affiche de « L'Orchestre de minuit », de Jérôme Cohen-Olivar, film au succès retentissant qui évoque une part de l'Histoire, depuis le départ des Juifs du Maroc à travers un récit intime et poignant. Artiste pluriel, fan avoué de musique, Avishay, revient sur les pas du personnage principal qu'il incarne en quête de découvrir son défunt père.
e-taqafa : Comment êtes-vous venu au cinéma ?
Avishay Benazra : Très jeune, j'aimais déjà le théâtre et j'ai suivi des cours. J'ai participé à deux spectacles, enfant puis adolescent lors d'une scène musicale. Dès lors, ces premières expériences m'ont conforté dans mon désir de devenir comédien : communiquer diverses émotions au public. Par la suite, je me suis installé à Paris où je me suis inscris aux cours Florent. J'avais en effet, vécu une première vie d'artiste à Montréal, ville qui bouillonne de projets et d'horizons culturels. C'est là, que j'ai développé ma créativité et ma sensibilité artistique.
e-taqafa : Vous êtes guitariste, point commun avec les musiciens de « L'Orchestre de Minuit ». Est-ce à Montréal que vous avez développé cet art ?
Avishay Benazra : Absolument, j'y ai appris la guitare seul, en autodidacte et je suis peu à peu devenu percussionniste par pure passion et également, pour gagner ma vie. A ce moment, mes premières compositions à la guitare ont vu le jour car je m'y consacrais totalement : j'écrivais, je composais, je chantais. Et je dois avouer que j'ai un univers musical très éclectique, étant à la fois imprégné d'influences rock, pop, saoul, jazz, raï, flamenco. J'aime autant le blues malien, que l'hébreu ou encore l'arabe. Je chante de plus, en arabe, en espagnol, en anglais. Selon, moi, la musique est fédératrice, elle a le don d'être un réel baume.
e-taqafa : Vous incarnez le rôle principal de « L'Orchestre de Minuit », comment avez-vous composé le rôle de Mickaël Abitbol ?
Avishay Benazra : Vivre ce rôle a été une expérience fortement intense. D'emblée, je me suis immergé dans l'esprit de Mickaël. C'est frappant, son histoire est en fait, particulièrement proche de la mienne : j'ai quitté le Maroc à 18 ans pour étudier la finance en Amérique du nord... Je n'ai pas hésité à dire à l'équipe de m'appeler Mickaël au plus fort du tournage et lorsque Jérôme Cohen-Oliva, le cinéaste, m'appelait Avishay, je ne répondais pas, attendant qu'il m'appele par le prénom de mon personnage. J'ai ensuite joué du violon, accompagné par Marcel Botbol. Puis j'ai eu envie d'interprété une chanson de Salim Halali, « Ya gherbati », souhaitant habiter au plus près mon personnage, afin de lui insuffler toute sa juste mesure.
e-taqafa : Parlez-nous de la projection du film à Atlanta aux Etats-Unis...
Avishay Benazra : J'en retiens principalement une incroyable émotion, c'était particulièrement impressionnant. J'y ai présenté trois projections entouré d'éminents professeurs d'université américains, qui animaient la présentation du film face à un public de plus de trois cent personnes. J'ai vraiment eu le sentiment de délivrer un cadeau, tant l'émotion était palpable à l'issue de ces différentes projections. J'ai regretté que le réalisateur, Jérôme Cohen-Olivar ne soit pas à mes côtés afin de les vivre. Chaque spectateur faisait la queue afin de me parler : les uns avaient quitté le Mexique, d'autres, le Sri Lanka. « L'Orchestre de Minuit » ne s'adresse pas uniquement à un public marocain, mais à tous les publics, car il évoque un conflit identitaire. Aussi, le plus grand nombre peut s'identifier à la thématique. C'était très honorable, d'entendre autant de retours positifs au sujet du film, qui figurait parmi 10 œuvres au sein de ce festival qui est le plus important de Géorgie. En France, l'intégration est très difficile, elle s'avère plus complexe, je me sens profondément bien aux Etats-Unis, je n'y ressens pas de stress ambiant.
e-taqafa : Parlez-nous de vos liens avec le Maroc...
Avishay Benazra : J'ai vécu une enfance formidable au Maroc, aux côtés de mes parents et de mes deux sœurs. Nous y avions une liberté débordante, protégé, dans un vrai cocon. A l'abri de toute forme de mal, en toute insouciance. J'y ai connu une jeunesse ponctuée de rires, des moments heureux qui me sont parfois nostalgiques. Je suis d'ailleurs toujours en contact avec mes amis marocains, qui ont été présents pour moi. Et ils m'ont de plus, largement soutenu dans ma passion pour le 7e art.
Propos recueillis par Fouzia Marouf.