Influencé par l’école américaine et adepte d’une abstraction aux allures universelles, ses toiles sont créées de mille et une couleurs. Des tableaux en grands formats où l’épaisseur des couches et les grands gestes suggèrent l’intensité. Pour Samir Salemi, la création est aussi une catharsis.
e-taqafa : Comment avez-vous été influencé par l’école américaine en peinture ?
Samir Salemi : Les artistes américains ont ouvert la voie de l’art contemporain en transgressant toutes les règles de la représentation, du formalisme, de l’abstraction, des matériaux, des pratiques…, pour moi c’est une ouverture de perspectives sans fin.
e-taqafa : Pour arriver à votre style universel, avez-vous parcouru d’autres périodes ?
Samir Salemi : Autodidacte, je suis attiré par le moderne et le contemporain, ce qui ne m’empêche pas d’être fasciné par toutes les autres pratiques. Je suis passé par le figuratif notamment le figuratif africain que j’ai abordé avec des touches épurées et moins chargées. Depuis des années, je crée par collections. J’expose d’ailleurs à l’Espace Rivages ma collection récente « Les Jardins Imaginaires ».
e-taqafa : Vous exploitez plusieurs techniques et matières ?
Samir Salemi : Cela dépond de mon humeur et de ma conception des choses au jour le jour, je peux collectionner des matières diverses plusieurs années sans savoir quoi en faire. Toute substance peut apporter un plus. J’ai l’habitude de stocker plusieurs matériaux : plâtre, cannettes, chaussures de sports, tubes de peintures, pinceaux … dans l’objectif de les exploiter ultérieurement
e-taqafa : L’épaisseur des couches de peinture est également apparente, intensité, hésitation ou autre ?
Samir Salemi : Je ne dirais pas de l’hésitation mais plutôt de l’intensité. Au début, j’ai opté pour la technique de l’épaisseur par manque de moyens et de place. Je travaillais sur une ancienne toile dont je n’étais pas satisfait pour l’utiliser et ne pas être obligé d’acheter une autre, après cette technique est devenu mon style. Au fil du temps, cette technique est devenue ma signature et les amateurs d’arts l’apprécient.
e-taqafa : Certaines de vos toiles sont travaillées à l’image d’un palimpseste, ceci vous procure une émotion particulière ?
Samir Salemi : Bien sûr, ceci me procure une émotion particulière surtout quand ce travail se fait sur des mois ou des années.
e-taqafa : Vous êtes adepte a la technique du pointillisme pourquoi ?
Samir Salemi : Le pointillisme m’a permis de me soigner de ma maladie : la dyslexie. Il m’apaise et me permet de travailler ma concentration. Pour moi, le pointillisme est un geste doux et lent qui m’aide à surmonter mes émotions. J’ai vécu pendant quelques années dans un orphelinat à Meknès. Ce fut une expérience à la fois dure et riche. Le pointillisme me réconcilie avec mes souvenirs.
e-taqafa : Les grands formats de vos toiles sont-ils un autre aspect de l’intensité de votre démarche ?
Samir Salemi : Les grands formats me permettent de m’exprimer mieux et d’effectuer de grands gestes. Ils demandent de la concentration et de l’énergie. Au début et pour aborder ces formats, j’ai commencé par l’utilisation de la peinture industrielle pour peindre plusieurs couches, ce que je ne pouvais pas faire avec la peinture en tube.
e-taqafa : Vous avez été marqué également par l’art des tapis comment avez-vous vécu cette aventure ?
Samir Salemi : Je suis né à Meknès, l’artisanat des tapis, je peux dire que j’ai grandi avec. Quand j’ai eu l’idée de faire des tableaux tapis, j’ai rencontré les tisseuses, j’ai visité les ateliers et j’ai fait des recherches pour les codes des couleurs et le choix de la laine, en deux mots, je savais que le résultat allait être exceptionnel grâce au savoir-faire de ces femmes….
e-taqafa : Les couleurs intenses de vos toiles sont-elles inspirées de votre enfance au Maroc ?
Samir Salemi : Le symbolisme des couleurs est important au Maroc et dans mon travail. A Meknès, notre demeure familiale se situait en face de celle d’une tisseuse de tapis. Vivre auprès de ces femmes et ces couleurs a marqué ma vie. J’ai été influencé aussi par la vie à Meknès, ses moussems, la musique gnaoua, les « lilas » de gnaoua. Toutes les couleurs que j’ai vues au cours de ma vie à cette ville ressortent dans mes créations.
e-taqafa : Que représente pour vous cette exposition à l’espace rivages ?
Samir Salemi : C’est un honneur d’être invité par la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger que je remercie de m’avoir permis de faire connaitre mon travail au public marocain.